TDF 2024 : les forces en présence après une semaine de course
La première semaine du Tour de France 2024 s’est conclue sur les chemins blancs de Champagne, à Troyes. Au terme de neuf premières étapes agitées, le classement général commence à se dessiner. Des tendances en sont ressortis et des interrogations n’ont pas encore toutes trouvé leurs réponses.
Un « Big Four » indéboulonnable
D’aucuns, au départ de cette 111e édition, n’auraient osé sortir Tadej Pogacar, Jonas Vingegaard, Primoz Roglic et Remco Evenepoel des prétendants au podium, à Nice. Sauf à entrevoir de possibles incidents ou jours sans, dont seul le sport cycliste a le secret sur une course de trois semaines. Au soir du 7 juillet, le « Big Four » occupe désormais les quatre premières places du classement général. Mieux encore, les quatre protagonistes se tiennent en seulement 1’36’’. Un bilan comptable satisfaisant à l’approche des étapes pyrénéennes, où tout sera encore à faire. Rien ni personne ne semble à l’abri d’un retour de l’arrière et d’une remontée au classement général. Une aubaine pour les prochaines passes d’arme, que les deux dernières éditions ont su nous délivrer.
Un léger avantage pour Tadej Pogacar
Le slovène, double vainqueur du Tour (2020-2021), possède 33’’ sur Remco Evenepoel et 1’15’’ sur Jonas Vingegaard. « Tamau Pogi » s’inscrit, à logique, comme le grand favori de ce TDF 2024. Comme chacun des prétendants à la victoire, le leader émirati souffrait de l’interrogation autour de sa condition physique (pour des raisons diamétralement opposées). Il est vrai que le doublé Giro-Tour est loin d’être le plus aisé, quand on parle de doubler deux Grands Tours au cours d’une saison cycliste. Pour autant, le sociétaire d’UAE Emirates a répondu présent, avec la fougue qu’on lui connait. Attaquant dans l’âme, Pogacar n’a pas hésité à saisir la moindre occasion pour tester ses adversaires, mais aussi pour leur prendre du temps. Avec plus ou moins de réussite, il aura réussi à repousser son concurrent principal à un peu plus d’une minute. Mais est-ce satisfaisant en se projetant vers une montée en puissance du Danois ?
Jonas Vingegaard, un vainqueur sortant qui a du répondant
Double vainqueur des deux dernières éditions, Jonas Vingegaard était le coureur du classement général sur lequel reposait le plus de questionnements. Le leader de la Visma – Lease a Bike a répondu immédiatement aux attentes, en suivant Pogacar sur la montée explosive de San Luca, à Bologne. Préparé à perdre du temps en première semaine, le danois admettait même être satisfait de concéder si peu à son principal adversaire. Froid, tacticien et magnanime, il déclarait même, en zone mixte, que « son heure viendra ». Le temps pour peaufiner sa condition grandissante. De quoi préparer une montée en puissance pour la conclusion du tryptique niçois, taillé sur mesure pour ses qualités. En attendant que les hauteurs vertigineuses ne viennent se succéder, « Vingo » ne cesse de marquer des points contre Pogacar. Un maillot jaune qui a de plus en plus de mal à se défaire de son Némésis.
Un Remco Evenepoel retrouvé
Etonnamment dans les cordes sur le Critérium du Dauphiné, Remco Evenepoel n’a pas affiché qu’un visage amincit, au départ de Florence. Le champion belge a retrouvé une condition qui lui permet d’être un des acteurs de cette première semaine. Le sociétaire de la Soudal Quick-Step est à quelques encablures de Tadej Pogacar, à la sortie de la première semaine. Une position au classement général inespérée avec les coureurs expérimentés au départ. Une position qui s’explique par son excellent contre-la-montre à Gevrey-Chambertin. Mais aussi lorsque l’« Aero Bullet » a répondu présent lors de son premier rendez-vous dans les cimes alpestres. Juste derrière les deux mutants, le maillot blanc s’est interposé comme étant le premier des autres, le premier des humains. Désormais deuxième du classement général, Evenepoel n’aura manqué qu’un premier maillot jaune, à l’arrivée de Bologne, pour deux petites places de différences.
Primoz Roglic, toujours en embuscade
Le leader de la Red Bull – Bora Hansgrohe est le moins bien loti des quatre. Le Slovène, transfuge de la Jumbo-Visma, a pris le départ de ce TDF 2024, avec sa nouvelle écurie, dans le seul objectif de l’emporter. Un pari osé de s’émanciper de son ancienne équipe, à qui tout réussissait. Malheureusement, si l’écart avec son compatriote n’est pas rédhibitoire, Primoz Roglic commence avec un handicap plus conséquent que ses autres adversaires. Bien sûr, la stratégie du Slovène est similaire à celle de son ancien coéquipier : monter en puissance pour la troisième semaine. Sachant cela, en connaissant la construction de ses sacres sur la Vuelta a Espana et du Giro d’Italia, mieux vaut se méfier de l’eau qui dort. Remco Evenepoel avait probablement raison de vouloir le mettre hors-jeu, dimanche. Réponse sera donnée, samedi soir, au Plat d’Adet. Certains pourraient s’en mordre les doigts.
Jasper Philipsen, moins dominateur
Moins dominateur que l’an passé, le maillot vert de meilleur sprinteur 2023 n’a pas remporté une seule étape en première semaine. Une anomalie qui permet à d’autres sprinteurs de s’exprimer. Mark Cavendish a su renverser des tablettes Eddy Merckx, en remportant un 35e succès sur la Grande Boucle. Désormais, seul recordman dans l’histoire du Tour de France, le « Manx Missile » obtient le succès que Philipsen lui avait privé, à Bordeaux, en 2023. Le malheur du sprinteur de la Alpecin Deceuninck fait d’ailleurs le bonheur du contingent de la Intermarché-Wanty. L’équipe belge est en bonne voie pour ramener le maillot vert, à Nice. Une situation inespérée quand l’équipe avait choisi de chasser les victoires d’étape sur les sprints difficiles avec Biniam Girmay et les sprints plats avec Gerben Thijssen. Un maillot vert que la seule équipe qui a réussi à glaner deux succès d’étape grâce à « Bini » va défendre becs et ongles.
Arnaud de Lie, la force de la régularité
Auteur de quatre Top 5 (dont deux places de 3e) sur les neuf premières étapes, Arnaud de Lie est le coureur qui a le plus titillé le succès sans jamais l’emporter. Le « Taureau de Lescheret » n’a eu de cesse de montrer ses nouvelles couleurs de Champion de Belgique. La sociétaire de la Lotto-Dstny était d’ailleurs tout proche d’enlever les deux succès à Biniam Girmay, si son inexpérience ne lui avait pas porté préjudice. Sur ses capacités physiques intrinsèque, De Lie a montré avoir les jambes d’aller chercher cette première victoire sur un Grand Tour. Le problème repose surtout dans ses choix. Tantôt en lançant trop tôt à Turin, tantôt en lançant trop tard à Colombey-les-Deux-Eglises. Pour sûr, si le Wallon trouve le timing parfait, la victoire pourrait lui tendre les bras en deuxième semaine.
Jasper Stuyven, le plan B
Prévu sur les Jeux Olympiques de Paris, Jasper Stuyven ne devait pas être de la sélection du TDF 2024. La blessure au genou d’Axel Kirsch a chamboulé le programme du sociétaire de la Lidl-Trek. Pour autant, rien ne présumait à ce que le Belge ait une carte à jouer à cause des ambitions de Mads Pedersen. La chute et l’abandon de ce dernier a totalement rebattu les cartes dans l’effectif américain. Tant et si bien qu’à la première occasion, Stuyven a foncé tête baissée en échappée. Le succès était d’ailleurs tout proche. Si les rouleurs de l’échappée (Ben Healy et Derek Gee) n’avaient pas décidé de le condamner. Pour autant, le champion d’Europe de Gravel aura montré toute son aisance sur les chemins empierrés. Et par ses capacités de durabilité, que Sven Vanthourenhout pourra compter sur lui, d’ici trois semaines.
A la recherche d’un pic de forme pour Wout van Aert
Victime au printemps d’une terrible chute, lors de Dwars Door Vlaanderen, Wout van Aert s’alignait sur le TDF 2024 avec des ambitions mesurées. Si très vite le Belge est apparu dans une condition convenable, les jours qui ont passé n’ont fait qu’émousser l’infatigable guêpe. Le sociétaire de la Visma – Lease a Bike concède ne pas être dans la forme de sa vie et avoir des « jambes dures comme du béton ». Ce qui n’est pas pour inquiéter en vue des Jeux Olympiques. Théoriquement, la meilleure option serait de quitter le Tour en cours de route. Mais les ambitions de Jonas Vingegaard pourraient avoir une nouvelle fois raison des objectifs du Belge. Quoi qu’il advienne, si WVA se sert du Tour de France comme préparation aussi bien que Mathieu van der Poel. Tout sera oublié. Affaire à suivre.