Pourquoi le cyclo-cross s’exporte-t-il aux Etats-Unis ?

Dimanche dernier, Fem van Empel et Thibau Nys s’adjugeaient la première des quatorze manches de Coupe du Monde de cyclo-cross, à Waterloo, aux Etats-Unis. Depuis maintenant neuf ans, le continent américain accueille des manches organisées par conjointement par Flanders Classics et l’Union Cycliste Internationale. Sans soulever un certain nombre d’intérêts et de questionnement. Mais pourquoi le cyclo-cross se déplace aux Etats-Unis ?

Des athlètes américains en devenir

Si le cyclo-cross est une discipline majoritairement pratiquée sur le continent européen, en hiver. La culture de la discipline s’est inscrite dans l’Illinois, aux Etats-Unis, au début des années 60. Avant de s’étendre sur le territoire par la suite. Cependant, elle ne prendra une dimension internationale qu’à partir des premières médailles mondiales en 1999 avec Mattew Kelly et Tim Johnson, respectivement champion du monde juniors et médaillé de bronze, dans la catégorie espoirs. Depuis Daniel Summerhill (2000) en junior, Jonathan Page (2007) chez les Elites et Ellen Noble (2017) chez les espoirs dames, ont réussi à sortir du giron européen et ramener des médailles pour les Etats-Unis.

Bien qu’il soit à souligner que malgré sa très récente inclusion, les juniors dames fassent figure d’exception avec l’américaine Madigan Munro (2020) et les sœurs canadiennes Holmgren (2023). Pourtant, la véritable figure de proue des USA repose sur les épaules de Katherine Compton, multiple médaillée chez les Elites Femmes (2007, 2009, 2011, 2013 et 2018). L’américaine, originaire de Caroline du Nord, reste aujourd’hui l’athlète de cyclocross la plus titrée des Etats-Unis, toute catégorie confondue. L’emble nationale aura ravi au cours de sa carrière pas moins de 23 victoires en Coupe du Monde. Poussant la jeunesse a arpenté les sous-bois, à travers des circuits américains caractérisés par leurs dénivelés.

La bascule des Coupes du Monde aux Etats-Unis

Le 16 décembre 2015 avait lieu une petite révolution. Las Vegas accueillait la première manche de Coupe du Monde de cyclo-cross, en dehors du continent européen. L’Amérique du Nord continuait son passage dans une nouvelle dimension, après avoir accueilli les Championnats du Monde, à Louisville, deux ans auparavant. Signe d’une « poursuite de l’internationalisation » souhaitée par Bryan Cookson, président de l’UCI à l’époque. Si la manche à Montréal (Canada) n’a jamais pu voir le jour, faute de moyen financier suffisant. Les Etats-Unis ont depuis poursuivi l’accueil d’une ou plusieurs manches de Coupe du Monde. Pas moins de 36 coureurs étaient venus d’Europe pour disputer cette première hors de leur continent. Un engouement qui était porteur de belles promesses.

L’évolution est pourtant tout autre. Dès l’année suivante, la pâte semblait avoir pris. Des coureurs du monde entier faisait leur apparition, avec notamment des panaméricains. Seulement, depuis quelques années, le nombre d’européens ne fait que régresser. Depuis 2019 et le retrait des cyclocross de début de saison de Mathieu van der Poel et Wout van Aert, leur nombre est passé d’une trentaine à péniblement une vingtaine. De là à dire qu’il y a un lien de causalité grâce à leur présence, cela semblerait assez saugrenu. Malgré cela, cette barrière de la vingtaine n’est passée uniquement que lorsque plusieurs Coupe du Monde y sont organisées consécutivement.

La saison 2021 faisait presque figure d’exception, avec l’organisation de Waterloo, Fayetteville et Iowa, en guise de préparation pour le Champion du Monde, en fin de saison, sur le territoire américain. Un mondial que les deux stars de la discipline auront boudé, ouvrant la voie à un premier sacre mondial pour la concurrence. Tom Pidcock, autre prodige de la discipline en sortant auréolé du maillot irisé. Un regain de courte durée. Cette année, avec seulement la CDM de Waterloo sur le sol américain, peu ont fait le voyage. On ne dénombrera que treize européens au départ. Un échec qui donne à réfléchir. Courir autour du siège social de l’équipe Trek ne suffit, désormais plus, pour attirer les coureurs. Des questions doivent se poser sur comment susciter l’intérêt des crossmen à venir aux Etats-Unis.

La pérennisation de la formule étatsunienne

L’attrait pour la formule étatsunienne ne fait désormais guère l’unanimité. Pour Anthony Colas, commentateur sur Eurosport, la « Coupe du Monde perd de son cachet ». Trop plein d’épreuves UCI World Cup et exportation des compétitions hors du carcan du cœur du Benelux, au Nord de l’Europe. Citant en exemple, Felipe Orts Lloret, contraint de rester en Belgique au cours de la saison pour s’éviter de longs et fastidieux déplacements, depuis le territoire espagnol dont il est originaire.

Une problématique qui a été soulevée, par Jurgen Mettepenningen, dans une interview accordée à Sporza. Le manager de la Pauwels Sauzen – Bingoal y souligne le coût exorbitant d’une traversée de l’Océan Atlantique. Pour seulement une heure de course, une immobilisation de trois-quatre jours sur le territoire américain est nécessaire. Ainsi, le coût de l’équipe flamande pour huit personnes (quatre coureurs et quatre membres du personnel) s’élève « entre 20 et 25 000 euros » (prix des billets d’avion aller-retour, bike garde d’environ 250 € x 2, un carton avec du matériel de rechange, location de véhicules de l’ordre de 1 500 €, logement, nourriture, et cetera). L’aspect sportif avec le classement général prime dès lors sur l’envie d’effectuer un tel déplacement, surtout quand une seule manche de Coupe du Monde y est organisée, comme cette année.

Une problématique financière que Steve Chainel, ancien coureur et manager d’équipe, nous décrivait. En faisant le déplacement, les équipes ont l’impératif de faire dans les quinze premiers pour y trouver une rentabilité ou tout au moins un équilibre. Le Champion de France de cyclo-cross 2018 soulignait aussi l’importance pour le sponsor de se rentre sur le continent américain.

« A l’époque, le sponsor était content de la visibilité. 10 % du budget y été alloué, le reste de la saison était planifié en conséquence ». Reconnaissant que l’analyse ne serait pas partagée par une entreprise comme Pauwels Sauces ; n’ayant que peu d’attrait pour le marché américain. Néanmoins, Steve Chainel, nous rapporter aussi l’importance du rôle des fédérations. « En France, ce sont les équipes qui payent. Là où à l’étranger, ce sont les coureurs qui doivent composer avec ce coût » et dès lors façonner leur saison en conséquence. A l’instar d’un coureur comme Laurens Sweeck, dont certains observateurs soupçonnent de feindre la gravité de sa blessure pour s’éviter un tel déplacement.

Une inégalité de fait accentuée entre les deux grosses armadas du cyclo-cross européens : Pauwels Sauzen – Bingoal et Baloise Trek Lions. Cette dernière n’étant évidemment pas logées à la même enseigne que ses concurrences. Et pour cause, disposant de son siège social, à Waterloo, l’entreprise américaine amorti les coûts onéreux du déplacement sur le sol américain, en fournissant matériels et personnels (mécanos et assistants). Anthony Colas se demandant si « les équipes ne trouveront pas une parade, le jour où Trek se retirera » du sponsoring. Quoi qu’il en soit, les demandes actuelles des acteurs comme des observateurs reposent sur l’enchainement d’au-moins deux cyclo-cross sur le territoire américain, pour donner un intérêt au voyage hors d’Europe. Steve Chainel notant l’intérêt de l’enchainement « Chicago – Iowa avec la distance » qu’il avait apprécié à l’époque où il arpentait encore les sous-bois.

D’autres considérations à prendre en compte

Reste à savoir, si les regards resteront teintés de pessimisme sur une éventuelle durabilité des Coupes du Monde aux Etats-Unis. A l’avenir, les enjeux écologiques prendront possiblement une voie plus importante et viendront se juxtaposer avec les arguments économiques. Et sans doute que, lorsque le cyclisme (dans toutes ses formes et à tous les échelons) fera l’introspective de son bilan carbone, le cyclo-cross redeviendra européanocentré. A moins que la mondialisation de la discipline ne se poursuive. Ouvrant lieu, au Canada jusqu’ici délaissé. Voire à des territoires plus chauds, comme l’Amérique du Sud. Et pourquoi pas l’Australie, qui prend une part de plus en plus importante dans le visage du cyclisme mondial.

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