Harcèlement, rupture de contrat, le transfert de Cian Uijtdebroeks soulève beaucoup de questions

Cian Uijtdebroeks chez Visma-Lease a Bike, l’annonce en a surpris plus d’un. Le Belge avait encore un contrat pour la saison 2024. Mécontent de sa situation au sein de la Bora-Hansgrohe, le talentueux grimpeur a, par l’intermédiaire de son agent Alex Carera, claqué la porte de l’écurie allemande pour rejoindre la référence actuelle du peloton.

Evoquant une clause libératoire valable depuis le 1er décembre, la formation néerlandaise a directement saisi sur l’aubaine. A la grande surprise de Bora-Hansgrohe qui a quasiment de suite déclaré que son coureur était contractuellement lié pour 2024. Il est donc nullement question d’accord entre les trois parties, condition sine qua non pour réaliser un transfert avant le terme d’un contrat. De plus, un coureur ne peut pas résilier prématurément son contrat si ça n’a pas été approuvé par le Conseil Cycliste Professionnel (PCC) de l’UCI.

Pourtant, les tensions entre Cian Uijtdebroecks et Bora-Hansgrohe ne datent pas d’hier. Il n’y a pas de fumée sans feu. Un murmure d’amertume est né dès la mi-2022, au Championnat de Belgique de contre-la-montre, signalant le désamour du talentueux grimpeur pour son écurie allemande. Si les résultats personnels de l’Hannutois s’amélioraient (Tour de Romandie (6e),  Tour de Suisse (8e),Tour de Catalogne (9e)), son entente avec le staff et les coureurs ne cessaient de se dégrader.

UNE APPROCHE (TROP) METICULEUSE ?

Depuis les catégories de jeunes, Cian a toujours eu une approche sérieuse du métier. Chez Bora-Hansgrohe, elle était jugée exagérée (il pèsait son alimentation, il trouvait que les équipements n’étaient pas bons et achetait lui-même ses chaussettes. Uijtdebroeks a semé ainsi la discorde parmi ses coéquipiers. Celle-ci a éclaté au grand jour lors de la Vuelta où le Russe Aleksander  Vlasov, leader désigné de l’équipe allemande (7e au classement général final), n’a pas hésité à le mettre en difficulté. Un coup qu’il n’a jamais digéré.

D’après le quotidien néerlandais Algemeen Dagblad, Uijtdebroeks aurait eu le sentiment d’être  harcelé. Pendant la Vuelta, ajoute le il y avait même un groupe ‘Anti-Cian’ sur WhatsApp, sans lui. Même certains directeurs sportifs n’appréciaient pas son comportement. «  Il a sorti les directeurs sportifs et les autres coureurs de leur zone de confort. Certains aiment ça, d’autres  moins. En tant que trentenaire, il est parfois difficile d’accepter qu’un jeune de 20 ans devienne soudain la référence. » confesse le directeur sportif Rolf Aldag, témoignant d’un malaise avec le coureur.

La goutte de trop a été la privation du vélo de contre-la-montre de la Vuelta lors du Chrono des Nations. Un dernier acte de frustration qui a précipité la décision de Cian Uijtdebroeks de ne pas prolonger cette histoire. Non pas par manque de respect envers le contrat, mais plutôt parce qu’il ne pouvait plus voir mentalement son avenir au sein de cette structure.

UIJTDEBROEKS ET VISMA, UN MARIAGE PARFAIT

L’exigeance et la minutie d’Uijtdebroeks vont se marier à merveille avec l’équipe Visma-Lease. Pointilleuse dans la recherche des gains marginaux, la formation néerlandaise a tout pour lui permettre de passer un cap sportif dès l’an prochain. La grande question est de savoir maintenant s’il s’alignera encore au Tour d’Italie en tant que leader ou s’il ira au Tour de France en soutien de Jonas Vingegaard. Au Tour d’Italie, il pourrait croiser le fer avec Tadej Pogacar. Il pourrait ainsi mesurer l’écart avec (l’un des) le meilleur(s) coureur(s) du monde.

Reste à savoir si cette affaire ne va pas perturber sa préparation. À l’aube de sa troisième saison chez les pros.. S’il y a bien eu harcèlement, parvenir à  surmonter cette situation usante mentalement tout en pédalant au plus haut  niveau pour se battre pour le top 10 du classement final du Tour d’Espagne, montre sa force intérieure, en plus de son talent physique, le tout à 20 ans. L’ambition de Cian Uijtdebroeks est de gagner le Tour de France. Si pour le moment, l’équipe possède en Jonas Vingegaard le double tenant du titre, la relève est déjà prête.

CONSEQUENCE SUR LE MARCHE DES TRANSFERTS

Pour Cian Uijtdebroeks, la fin de cette histoire est écrite. Il sera chez Visma-Lease en 2024, déjà en stage avec sa nouvelle équipe, loin des tracas d’une rupture difficile. Un retour forcé serait une tragédie sans intérêt. Engager une bataille juridique n’a aucun intérêt.

Cependant, ce transfert expose les failles d’un sytème. En règle générale, les coureurs honorent leur contrat jusqu’au terme avant de négocier avec une autre équipe. Dans les faits, les négociations commencent déjà lors de la dernière année de contrat et souvent déjà même avant. « Le marché des transferts ne s’arrête jamais », confie un agent certifié qui a préféré garder l’anonymat.

Pour changer de crémérie avant le terme du contrat, il faut que les trois parties soient d’accord : l’ancienne équipe, le coureur et le nouvel employeur. C’était le cas pour Roglic et cela ne semble pas être le cas pour Uijtdebroeks. Cependant, moyennant une compensation financière d’un million d’euros, la formation allemande serait prête à valider ce transfert.

Ce qui ouvre la porte à un nouvel écosystème du vélo. Si ce genre de pratique s’étend, cela permettra à des coureurs mécontents d’éviter de perdre leur temps. Ce qui laisse une possibilité pour les plus capricieux. De plus, pour les équipes, il sera difficile de convaincre des partenaires de s’engager sur du long terme, sachant que vous pouvez risquer de perdre vos meilleurs coureurs à tout moment. Le cas par cas s’impose. En l’occurence pour Uijtdebroeks, si cette histoire d’harcèlement est vérifiée, un départ est non seulement justifié mais obligatoire.