Centimètre par centimètre, Armand Duplantis dompte la hauteur. Mais jusqu’où peut-il aller ?
C’est un véritablement phénomène dans son domaine, le saut à la perche. Depuis 2020, Armand Duplantis améliore sans cesse son record du monde, l’ayant mené de 6,17 mètres à 6,26 mètres tout récemment. A 24 ans, sa marge de progression est encore énorme et certains se demandent pourquoi il ne tente pas LE grand saut d’un coup.
En 1999, l’Australienne Tina Arena chantait « Aller plus haut », un tube planétaire. La même année, Armand Duplantis venait au monde et sa destinée, avec un père perchiste, était toute tracée : aller plus haut. Et ces dernières semaines, le Suédois a fait parler de lui avec deux records du monde battus en autant de sortie. Le plus beau ? Peut-être bien celui établi le 5 août dernier au Stade de France pour s’offrir l’or aux JO avec 6,25 mètres. Le plus haut ? Le dernier, évidemment, quand il passe la barre des 6,26 mètres à Chorzow, en Pologne, le 25 août.
Armand Duplantis n’en est pas à son coup d’essai. Celui qu’on surnomme Monde, référence au fabricant italien de pistes d’athlétisme éponyme, est un habitué du genre. Depuis le 8 février 2020 et son premier record mondial à 6,17 mètres, il a mis la barre plus haut à neuf reprises. Ce qui fait la particularité de ses différents records, c’est qu’ils sont à chaque fois battu d’un seul centimètre. Excès de prudence ? Pas forcément, et on vous explique pourquoi.
Il peut voir grand… mais il a le temps
« Cela dépend de lui, de sa motivation, de ce qu’il a dans la tête. Mais il peut aller bien plus haut. Je crois qu’il peut atteindre, 6,30 mètres, 6,35 mètres. « Mondo », comme Renaud (Lavillenie) et moi, utilise des perches Spirit uniquement composées en fibre de verre. Si vous êtes bon techniquement et physiquement, il n’y a pas de limite. » Les mots sont ceux de la légende du saut à la perche, Serguei Bubka, dans une interview accordée à L’Equipe.
6,35 mètres, cela offre donc à Duplantis 9 centimètres à aller chercher. Et quand on voit la manière dont il a franchi avec aisance ses dernières barres, on se dit qu’il pourrait presque tenter le coup en une fois. Mais, à 24 ans, est-ce une bonne idée ?
Quand Bubka a établi le record du monde à 6,14 mètres, en 1993, il avait 30 ans. Et l’Ukrainien n’a pris sa retraite qu’à 37 ans, en 2000. Si la limite haute de Duplantis se situe à 6,35 mètres et qu’il venait à la franchir prochainement, le Suédois pourrait atteindre son plafond avec encore dix ans de carrière, au minimum, face à lui.
A la place, ‘Monde’ préfère y aller progressivement. Une façon de se fixer de nouveaux objectifs en permanence mais aussi de rester dans une dynamique positive tout en continuant à dominer sa discipline avec motivation.
Ne pas prendre de risque
Et puis, il y a aussi le sportif purement et simplement. Un record du monde, c’est un saut vers l’inconnu, vers une hauteur encore jamais franchie. Monter la barre d’un centimètre à chaque fois, c’est se permettre de faire un pas supplémentaire de manière plus rassurante en se retirant de la pression.
Sur le plan physique, c’est également à chaque fois quelque chose de nouveau. Même si le matériel lui offre la possibilité de voir très haut, chaque saut reste intense. Ces améliorations progressives évitent de trop forcer d’un coup, de risquer de se blesser tout en habituant le corps à ces nouveaux efforts.
Intéressant sur le plan financier
Mais derrière ces records au centimètre, il y a aussi une raison financière plus terre à terre. Pour chaque record du monde, il y a une prime : 100.000$ lors des championnats du monde, 50.000$ lors d’un meeting de la Diamond League. Y aller lentement permet au Suédois de faire gonfler son compte en banque régulièrement. Devrait-il s’en priver ? Poser la question, c’est déjà y répondre.
Avec son niveau, sa marge de progression et l’attrait des primes, Mondo Duplantis devrait donc encore continuer de la sorte pendant un petit temps. Jusqu’où se situe sa limite réelle ? Bubka fixait la sienne à potentiellement 6,50 mètres. Alors, pour le Suédois…