Paris sportifs en ligne : un remake de l’étape du Granon ?

Jeudi 6juillet, les baroudeurs auront une nouvelle occasion de s’exprimer dans les Pyrénées. A la surprise générale, Jay Hindley a réussi à s’emparer du maillot jaune du Tour de France en s’octroyant la victoire en échappée. Jonas Vingegaard, quant à lui, a mis un coup derrière la tête à Tadej Pogacar en rattrapant son retard. Mais surtout en le reléguant à 53 secondes au classement général. La Jumbo-Visma fera-t-elle le pari d’enfoncer le clou et mettre Pogacar la tête sous l’eau ? Ou faut-il plus miser une nouvelle fois sur les baroudeurs ?

Un scénario décidé par les Jumbo-Visma

Tarbes – Cauterets-Cambasques (144.9 kilomètres) : première arrivée au sommet de ce Tour de France 2023 avec un enchainement de cols pyrénéens légendaires : col d’Aspin, col du Tourmalet et Cauterets-Cambasque. Le scénario du jour a tout de l’indécision la plus totale. Maintenant que la Bora Hansgrohe possède la responsabilité de la chasse des échappées, il est une certitude. L’équipe allemande préfèrerait contrôler une échappée d’hommes peu dangereux au classement général et laisser ainsi filer les fuyards. D’aspect si Cauteret est moins raide que le col du Granon, l’étape comporte un dénivelé positif similaire et une distance globale quasi identique. 3 900 mètres ascendant contre 4 000 mètres sur l’étape mythique de 2022 pour une distance d’environ 150 kilomètres.

Tadej Pogacar qui avait rompu les armes sur les pentes les plus abruptes du Granon. Cette année, par la force des choses, notamment à cause des circonstances du printemps, la préparation du slovène est tronquée. Théoriquement à cours de rythme, « Pogi » devrait aller mieux de jour en jour. Grapillant les pourcentages qui lui manquent. Sera-t-il suffisant pour renverser la Grande Boucle en troisième semaine ? Personne n’a la réponse. La Jumbo-Visma de Jonas Vingegaard et ce dernier doivent naturellement s’en inquiéter. L’idée de reproduire le schéma de l’étape 11 de l’édition précédente doit germer chez les Néerlandais. Dans le but de reléguer la principale menace, qu’est le leader émirati, le plus loin possible. Afin de pallier un éventuel retour en grâce du « nouveau Cannibale ».

Où lancer la course des leaders ?

Premier col de la journée, la position du Col d’Aspin est similaire à celle du Col du Télégraphe. Si la Jumbo-Visma doit lancer la grande bagarre utilisera-t-elle les 12 kilomètres à 6.4 % de cette difficulté ?

Inutile de présenter le col du Tourmalet. Figure de proue des Pyrénées, les pentes du Tourmalet peuvent permettre le lancement de l’opération « abattre l’ennemi ». Long col de 17 kilomètres, trois options peuvent être envisageables. Laisser les Bora faire, prendre le relai et mettre un tempo en attendant la dernière montée, commencer le grand essorage pour se lancer dans un grand baroude.

La montée au plateau du Cambasque est certes longue (16 kilomètres) mais n’est pas constituée des pentes les plus abruptes (5,4 %).

Le pied de la partie finale est à 10 % sur 2.5 kilomètres, mais est-ce suffisant pour créer des écarts et filer en solitaire vers la victoire. Cette version de Jonas Vingegaard et l’écart qu’il semble avoir avec la concurrence peut légitimement faire penser qu’il est possible de le faire.

Une étape dantesque qui promet un chantier

Adieu le temps radieux des jours précédents, l’heure est au rafraichissement avec des averses toute la journée. Ce qui promet d’ajouter de la difficulté à la difficulté. Mais surtout favoriser certains coureurs qui excellent sous les conditions difficiles. Tadej Pogacar y trouve une sorte de bonus lorsque le temps est pluvieux. Tant et si bien que de mémoire, jamais il n’a vacillé sous ces conditions lors des courses de trois semaines. Y trouvera-t-il une sorte de motivation pour renverser la vapeur et récupérer le temps perdu ?

Des paris qui ne tiennent qu’à la volonté des Jumbo-Visma

Personne ne sait, mais tout le monde le suspecte. La Jumbo-Visma a les clés de savoir si l’échappée a toutes les chances de se disputer la victoire. L’un des indices qui pourrait aider à déterminer leurs ambitions serait de voir Wout van Aert essayer de se porter à l’avant. La présence du belge en tant que coureur satellite, véritable point d’appui dans l’échappée, aurait pour avantage de récupérer le belge plus tard dans l’étape. Notamment au sommet du Tourmalet afin de faire la descente, rouler dans la courte vallée et mener tambours battants les premiers contreforts de Cauterets. Dès lors, Jonas Vingegaard (2.75) n’aurait plus qu’à finir le travail dans la courte partie à deux chiffres de la montée finale. L’essai du vainqueur du Tour de France à la Ferme Basque ne fait aucun doute. Son succès, cependant, est un peu plus douteux.

La portion visée n’est pas aussi longue et raide que l’était celle de Marie Blanque. Seulement 3.5 kilomètres à 8.9 %.

De plus, une fois que la pente se radoucit, la zone est largement exposée au vent.

Si le vent y semble léger, attention aux rafales qui sont annoncées fortes et qui seront probablement défavorables. Ce qui n’est pas une bonne nouvelle au demeurant lorsque l’on espère gagner du temps.

La stratégie des Jumbo-Visma peut s’avérer être double. Tantôt reposer sur une offensive dès le Tourmalet pour mettre hors de portée Tadej Pogacar. Tantôt reposer sur une attente de la montée finale. Une chose est certaine, le danois doit être accompagné dans la vallée pour repousser Pogacar le plus loin possible. D’autant plus, si le vent annoncé défavorable se confirme. Bien que la vallée soit courte d’à peine plus d’une douzaine de kilomètres, un groupe aura toujours la faveur du nombre.

Touché mais pas coulé

Retour à la réalité pour Tadej Pogacar (6). Rassurant sur le week-end basque, le slovène n’a rien pu faire sur le démarrage de Jonas Vingegaard. Comme en 2022, il doit se contenter d’être le plus fort des autres face au danois. Mais on le sait, Pogi n’est jamais résigné. Il faut toujours se méfier d’un animal blessé. Loin d’être hors-jeu pour la victoire finale, il devra compter sur le temps. Le temps de reprendre du rythme, le temps de grapiller les pourcentages qui lui manque, le temps d’être à 100%. Seulement, son adversaire ne l’entendra pas de cette oreille.

Bonne nouvelle pour « Pogi » aujourd’hui, le temps pluvieux devrait lui procurer un avantage. Véritable amour des conditions climatique difficile, il est un adepte des grands raids en solitaire lorsque la pluie s’abat sur le peloton. Pour arranger les choses, la direction du vent devrait freiner les ardeurs de Vingegaard dans le Tourmalet et au minima retarder l’échéance de son attaque dans Cauterets. Si le leader de la Jumbo-Visma est le plus fort, intrinsèquement le leader de la UAE émirates est le plus rapide.

Dans les 100 derniers mètres, en cas de sprint que ce soit à deux ou à plusieurs, Pogacar a le punch pour s’imposer.

Présent et discret

Jai Hindley (21) s’est montré fort pour aller chercher la victoire d’étape et le maillot de leader. Parmi les favoris au podium final, l’australien possède une bonne pointe de vitesse si l’étape est moins sélective qu’annoncée. Si l’arrivée ne doit pas se décider dans un mano-a-mano entre les deux favoris, alors le maillot jaune a toutes ses chances. Pourtant l’attention doit être portée, plutôt, sur deux autres coureurs. Mattias Skjelmose (26) a montré qu’il était un sacré client lorsqu’il fallait faire parler de son punch. Toute la question sera de savoir si le leader de la Lidl-Trek peut basculer avec les leaders dans le Tourmalet. L’Albulapass, en Suisse, a montré ses limites dans ce domaine. L’étape est son premier grand test. Le véritable adversaire doit être le français David Gaudu (71). Parmi les meilleurs temps d’ascension de Marie Blanque, le leader de la Groupama-FDJ poursuit son chemin discrètement vers le podium à Paris. Rassurant sur sa condition après un Dauphiné totalement raté, la forme semble optimale pour son grand objectif. Tant et si bien qu’il est régulièrement sous-estimé dans la hiérarchie. Une bonne nouvelle pour les parieurs désireux de miser une place sur le podium du jour ?

Des échappées qui gardent une chance

La Côte de Capvern-les-Bains (5.6 kilomètres à 4.8 %) devrait voir se constituer l’échappée du jour. Ce qui devrait permettre à des grimpeurs de se porter à l’avant. Ils sont désormais nombreux à avoir perdu du temps et être en question d’un succès personnel. La Bora Hansgrohe n’a globalement qu’à marquer le Top 20 qui se tient en 4 minutes. Voire éventuellement autoriser quelques coureurs entre la 11e place de Michael Woods et la 20e d’Egan Bernal à avoir quelques bons de sortie. Sans toutefois mésestimer un replacement au Général.

D’entrée de jeu, il apparaît clairement que Félix Gall (16) se mettra aux avant-postes pour défendre son maillot de meilleur grimpeur. Avec 6 minutes de retard au classement général, l’autrichien n’est en rien une menace. Dans une forme épatante, rares sont ceux qui pourront se défaire du grimpeur de la AG2R. Ne manquera-t-il pas de jus en fin d’étape pour s’imposer avec deux échappées d’affilée ?

D’autant qu’il devra sans doute composer avec Daniel Felipe Martinez (31), qui a montré un intérêt certain pour le maillot à pois de meilleur grimpeur. Son coup de poing au sprint est bien plus redoutable. Ce qui en fait une double menace. Que ce soit pour les points au sommet des difficultés qu’à l’arrivée pour la victoire d’étape.

Autre candidat intéressé par le double objectif, Neilson Powless (41) tentera de se projeter à l’avant. Toute la question pour l’américain de la EF Education EasyPost sera l’encaissement des difficultés et surtout la gestion de l’effort. Loin d’être avare d’effort, son envie de trop bien faire pourrait faire se retourner contre lui sur les pentes du Tourmalet.

Des conditions climatiques qu’ils affectionnent

« C’est la météo que j’aime », voilà les mots qu’utilisaient Thibaut Pinot (21) pour exprimer sa satisfaction lors de l’étape de Prat d’Albis. Le grimpeur français, dans sa dernière saison professionnelle, court de manière relâchée. Affecté au rôle d’ange gardien de David Gaudu, il est autorisé pour certaines étapes à courir pour son propre compte. Ce n’était pas le cas d’hier. Ce qui est somme toute logique, l’étape du jour sied plus à ses caractéristiques. Vainqueur au Tourmalet en 2019, il est l’un des meilleurs grimpeurs du monde lorsque la condition est présente. Enorme punch dans les sprints ascendants, le français coche toutes les cases pour s’imposer. Chose qu’il a échoué de peu, par deux fois, il y a peu, sur le Giro d’Italia.

En quête d’une victoire d’étape, Dylan Teuns (41) trouve des conditions similaires à sa victoire au Grand Bornand. La nature du départ devrait le favoriser. Malheureusement, sa nature plus puncheur que grimpeur pourrait lui faire défaut face aux meilleurs grimpeurs du plateau.

Movistar avec l’abandon d’Enric Mas se doit de mettre des cartes à l’avant. Ruben Guerreiro (31) est probablement la meilleure option sur l’étape du jour. Vainqueur à Roccaraso, sur le Giro 2020, dans des conditions exécrables, il est de ces coureurs qu’on ne veut emmener au sprint avec nous. Espérons qu’il n’est pas grapiller les pourcentages qui lui manquaient sur la Route d’Occitanie.

Ben O’Connor (51) fera-t-il partie de ces coureurs du Top 20 à pouvoir prendre le large ? Le leader de la AG2R pourrait être un des grands noms parmi les fuyards du jour. Si tel est le cas, Félix Gall se muera en coéquipier de luxe. Pour permettre à son leader de se replacer au classement général. Tout l’art sera pour « Benno » de s’imposer en solitaire. Toute arrivée en petit comité lui serait préjudiciable.

Quid des Nans Peters, Jonathan Castroviejo, Guillaume Martin, Tobias Halland Johannessen, David de la Cruz, Rui Costa et consorts qui trouvent un terrain de jeu qu’ils apprécieront ?

Notre pronostic : le romantisme d’une victoire éternelle gravée. Thibaut Pinot pour un dernier adieu au Tour de France. La conclusion d’une carrière que tout le monde souhaite. Il est notre pronostic du jour d’une victoire de l’échappée dans un sprint en petit comité de fuyards.