Ces coureurs de Grands Tours qui pourraient gagner des Classiques

Les classiques flandriennes et ardennaises viennent à peine de se conclure, qu’une équipe a dominé sur les trois Monuments disputés. La Alpecin-Deceuninck n’a laissé aucune miette à Sanremo, Oudenaarde et Roubaix. Mathieu van der Poel s’est illustré en remportant ces deux derniers. Quand il a été la cheville ouvrière du succès de Jasper Philipsen sur le premier d’entre eux. Au cours des deux dernières années, seul Tadej Pogacar a su se mettre en travers de la route du champion du monde. Là où Remco Evenepoel s’est offert le dernier Monument restant. Qu’on peut se demander si d’autres « grimpeurs » de Grands Tours patentés sont capables de s’imposer sur les classiques printanières ?

Tadej Pogacar, le profil hybride

Vainqueur de deux Tour de France, d’un Ronde van Vlaaderen et de trois Lombardie, les capacités de Tadej Pogacar ne sont plus à prouver. Le slovène est capable de remporter n’importe quelle course sur laquelle il s’aligne. La question sera surtout de savoir s’il pourra s’imposer sur une course pavée comme Paris-Roubaix. De ses propres dires, il faudra prendre quelques kilos sur la balance pour dompter les pavés d’une Nord. Une affirmation qu’on a peine à croire, tant on le voit survoler la concurrence sur ces premières classiques flamandes. Lors d’A Travers la Flandre 2022, le leader émirati roulait tout en puissance sur le milieu du pavé. Quand ses compagnons utilisaient les bas-côtés. Des pavés qu’il aura ensuite martyrisé sur le Tour de France et sur le Tour des Flandres. Preuve qu’il n’a besoin d’être aussi lourd qu’il ne le pense, pour s’imposer sur les plus grandes classiques pavées.

Remco Evenepoel, le belge qui n’aimait pas les pavés

Ce n’est une nouvelle pour personne, Remco Evenepoel n’est pas en odeur de sainteté avec les pavés. Le brabançon a déjà dit qu’il souffrait sur ces derniers et que « ce n’[était] pas vraiment pas [s]on truc ». Une aversion qu’il a volontiers reconnu, en 2019, à l’occasion du championnat national sur route, à Ghent. Et répétée à l’occasion de la Flèche Brabançonne, trois ans plus tard. « J’étais parfois très inconfortable sur les pavés, ce qui me fait dire que je ne suis pas fait pour les classiques flandriennes ».

Retentera-t-il l’expérience, une fois qu’il aura goûté au plaisir des pavés de Montmartre, sur le parcours olympique de Paris, cet été ? Rien n’est moins sûr. Pour l’heure, le jeune loup a des comptes à régler en Italie, notamment sur le Tour de Lombardie. Histoire de tourner définitivement la page de la descente du Sormano.

Jonas Vingegaard, dans les pas de son adversaire principal ?

Le double vainqueur du Tour de France est le coureur type de Grands Tours. Véritable grimpeur patenté, Jonas Vingegaard concentre ses efforts sur les Grands Tours estivaux. La question est de savoir si le danois tentera sa chance sur les courses d’un jour. Ses qualités sur les forts pourcentages pourraient être un atout de taille, notamment sur une Flèche Wallonne. Un attrait pour les forts pourcentages qu’on lui a décelé en Pologne puis à l’Angliru, qui pourrait lui conférer un avantage au Mur de Huy. Néanmoins des grimpeurs de classe comme Alberto Contador n’ont jamais réussi à convertir le tir sur les courses d’un jour. Pour autant, à chaque principe son exception. Le sociétaire de la Visma Lease-a-Bike ayant toutes les qualités pour briller sur tout type de terrain. Bon rouleur, bon puncheur, excellent grimpeur et descendeur, des Monuments comme Milan-Sanremo et le Lombardie sont largement dans ses cordes.

Primoz Roglic, l’ogre slovène

Multiple vainqueur de Grands Tours, Primoz Roglic s’est déjà illustré sur un Monument. Vainqueur de Liège-Bastogne-Liège en 2020, le sociétaire de la Bora-Hansgrohe n’a toujours pas de Tour de Lombardie à son palmarès. Ce qui est une anomalie, tant l’Italie réussie jusqu’à présent à l’ancien sauteur à ski. Il faut noter, néanmoins, qu’à 34 ans, le temps est désormais compté. Malgré une surprenante réussite sur les pavés de Denain, en 2022. Le slovène tourne sa fin de carrière vers un objectif clair : remporter le Tour de France. Ce qui n’est pas incompatible avec des performances sur les ardennaises. Bien qu’il convienne de l’écarter sur celles à venir. Diminué par ses chutes au Tour du Pays-Basque, le transfuge de la Jumbo-Visma doit déjà renoncer à l’Amstel Gold Race. Tout en mettant entre parenthèses la Flèche Wallonne et la « Doyenne ».

Juan Ayuso, dans l’ombre de son aîné

Centré essentiellement sur les courses par étapes, Juan Ayuso est de ces coureurs dits polyvalents. L’espagnol des UAE émirates possède toute la palette nécessaire pour s’imposer sur les courses d’un jour. Capable de faire des différences dans les difficultés qui jalonnent les parcours, sa pointe de vitesse est un atout indéniable. Tout comme ses capacités dans l’effort individuel. Seule ombre au tableau, le natif de Barcelone est typé « diesel ». Pour performer, le jeune coureur de 21 ans a besoin d’enchainement de difficultés. Ce qui explique, sans doute, ses performances sur la Klasikoa San Sebastian. Difficile de le voir s’aligner sur les classiques flandriennes sans un motif impérieux. Il faudra attendre que ce soit des courses de préparation, en vue d’étapes pavées, pour qu’il s’y frotte. En attendant, il conviendra de voir son évolution sur les classiques ardennaises de la semaine à venir.

Isaac Del Toro, sur les traces de Tadej Pogacar

Isaac Del Toro, néo-pro, ne s’est pas encore frotté aux classements généraux des Grands Tours. Auteur d’un début de saison tonitruant, le mexicain est pourtant d’or et déjà un nom à prendre un compte. Il est vrai que ravir le classement général du Tour de l’Avenir place un homme dans les coureurs à suivre. Sans limite et sans complexe, le jeune émirati semble marcher dans les pas de son aîné, Tadej Pogacar. Hormis son inexpérience logique du plus haut niveau, « Torito » ne semble posséder aucun défaut. Et si ce dernier ne s’est pour le moment pas montré sur les pavés. Quand on voit les performances de son équipier, Antonio Morgado, on peut légitimement se demander ce qu’il y donnerait. Une chose est certaine, ses limites sont inconnues mais son talent est indéniable. Tadej Pogacar aurait-il trouvé son adversaire principal dans ses propres rangs ?

Mattias Skjelmose, dans le pas des puncheurs ?

Le danois de la Lidl-Trek ne sera très probablement jamais aligné sur les classiques flandriennes, tant qu’il sera de la crémerie américaine. Rien de bien incohérent quand l’équipe doit composer déjà avec plusieurs têtes fortes comme Mads Pedersen, Jasper Stuyven et Jonathan Milan. Sans compter les talents de demain, que l’équipe forme dans sa dévo, à l’image de Tim Torn Teutenberg. Une affirmation qui est tout autre lorsque l’on se tourne vers des profils plus favorables aux puncheurs-grimpeurs. Des terrains de jeu que les classiques ardennaises offrent à ces derniers. Rien de bien étonnant donc à ce que le danois se soit déjà illustré, l’an passé, sur celles-ci. Gardien de Top 10 sur l’Amstel Gold Race et Liège-Bastogne-Liège, le champion nordique n’aura été battu que par Tadej Pogacar au Mur de Huy. Des résultats qui en appellent forcément de meilleurs.

Que penser des autres ?

Nombre d’autres coureurs de Grands Tours pourraient être nommés. C’est le cas des frères Yates, de Giulio Ciccone, David Gaudu, Romain Bardet, Aleksandr Vlasov, Richard Carapaz, etc. Toujours est-il qu’ils n’ont absolument pas le profil pour bien figurer sur les classiques pavées. Ce sont des profils d’avantage taillés pour les ardennaises ou les classiques italiennes, en dépit d’une génération de fantastiques. Compliqué d’exister face à Tadej Pogacar qui a envie de marquer l’histoire. Là où Mathieu van der Poel devient un homme des grandes courses d’un jour. Les accessits sont bien plus réalistes qu’une victoire incertaine face à ces deux monstres au palmarès monumentale.