MMA : le « weight cutting », une pratique qui pose question

Ces dernières années, sous l’impulsion de l’UFC mais aussi la légalisation du sport en France, le MMA a attiré de nombreux nouveaux fans en France comme en Belgique. Et nombre de ces fans découvrent avec surprise une pratique spectaculaire : le « weight cutting », ou coupe de poids. Ce weight cut est inhérent aux sports de combat, mais comporte de nombreuses dérives et risques que le MMA a rendu plus visibles.

Le weight cut, c’est quoi ?

Le « weight cut » est lié à l’existence, au sein de tous les sports de combat, de catégories de poids. À l’UFC, ces catégories vont de flyweight (125 pounds, 56,7kg) à heavyweight (de 206 à 265 pounds, soit entre 93 et 120kg). Chaque combattant doit effectuer sa pesée le vendredi matin précédant son combat. Il doit alors atteindre la limite maximale de poids. Pour les combats « normaux », une marge d’un pound (450 grammes) est tolérée au-dessus de la limite ; les combats pour le titre exigent de faire exactement le poids requis.

Le weight cut est donc la perte de poids dans les semaines et jours précédant la pesée. L’énorme majorité des combattants pèse, au quotidien, plus que ce que requiert leur catégorie de poids. Parfois beaucoup plus. Via de nombreuses méthodes, devenues avec le temps de plus en plus scientifiques et encadrées, les athlètes se déshydratent pour perdre un nombre parfois impressionnant de kilos. Les risques sont nombreux, car le corps n’est pas fait pour perdre tant d’eau, et le cerveau est plus vulnérable aux coups une fois déshydraté.

Pourquoi faire un weight cut important ?

L’objectif de cette pratique ? Il tient à la capacité de certains combattants à se réhydrater en 36h à peine. L’un des cas les plus extrêmes, récemment, était celui d’Alex Pereira. Le champion des light-heavyweights (205 pounds) révélait dans « The MMA Hour » que quand il combattait dans la catégorie du dessous, en 185 pounds, il pesait environ 210 pounds le soir du combat.

Soit une prise de 25 pounds (11kg) en 36h. Et si c’est un cas impressionnant, il n’est pas exceptionnel. Daniel Cormier, partenaire d’entraînement du champion lightweight (70kg) Islam Makhachev révélait que ce dernier avait un poids « quotidien » de 90kg. Un combat est généralement annoncé de longs mois à l’avance, ce qui permet aux athlètes de se rapprocher de leur poids de compétition de manière progressive. Mais il est très fréquent qu’un combattant perde entre 10 et 15kg dans la semaine du combat.

L’avis de Chris Genachte, coach de MMA et commentateur Eleven

Nous avons contacté Chris Genachte, coach de MMA ayant notammé travaillé avec les combattants professionnels belges Brian Bouland et Donovan Desmae, pour évoquer ce sujet. Selon lui, il n’y a pas de « solution » miracle au « problème » du weight cutting.

« La solution classique que certains donnent est de faire la pesée le jour-même. Mais certains athlètes feraient le même « cut » et combattraient déshydratés, ce qui est la pire chose à faire », nous souligne Genachte, également commentateur de l’UFC et du PFL pour Eleven DAZN. « La meilleure solution est de conscientiser par rapport aux risques et rendre les athlètes le plus professionnel possible ».

Certains estiment qu’il faudrait multiplier les catégories de poids pour éviter de trop grands écarts. « Ca ne changerait pas grand chose, car les combattants auraient tout de même tendance à vouloir aller au plus bas », estime Chris Genachte, qui plaide donc pour une pratique professionnelle et médicalement encadrée de la coupe de poids.

Les lutteurs, plus gros weight cutters ?

Mais à qui profite le weight cut ? Traditionnellement, on considère que les lutteurs coupent le plus de poids afin de profiter d’un avantage physique une fois dans la cage. Khabib Nurmagomedov, légendaire champion lightweight, avait la réputation de peser bien plus le soir du combat qu’à la pesée et imposait sa lutte à tous ses adversaires. Le Dagestanais a parfois connu des soucis médicaux lors de ses coupes de poids, et gagné une réputation de « weight bully » (terme désignant ces athlètes profitant d’une façon presque déloyale d’un weight cut massif).

« C’est vrai qu’en général, on dit que les lutteurs sont les plus gros « cutters » comparativement aux strikers, pour lesquels la mobilité est plus importante. Ceci étant dit, en boxe anglaise, si tu fais 61 ou 63 kilos, ton adversaire sentira la différence », précise Chris Genachte.

Car c’est à préciser : le weight cut n’est pas une pratique propre au MMA. « Ca existe en lutte, en jiu-jitsu… Dans tous les sports avec des catégories de poids, ça existe, même si c’est peut-être plus marqué en MMA », reconnaît notre interlocuteur. Par contre, une chose est sûre : si les coupes de poids font le buzz récemment, elles ont toujours existé.

Le weight cut n’est pas une pratique récente

« Georges Saint-Pierre (considéré comme le plus grand combattant de MMA de l’histoire, nda) était un énorme weight cutter », rappelle Genachte. Et le Québécois était actif dès 2005 à l’UFC. « Ce qui est vrai, c’est que la professionnalisation du sport a rendu la pratique bien plus accessible, et a facilité la coupe de poids ».

Si les réseaux sociaux et le buzz du MMA récemment ont rendu plus visibles les pratiques parfois extrêmes du weight cut, la tendance n’est donc pas forcément au pire. « Brian Bouland, que j’ai coaché, te le dira : à l’époque, pour lui, couper 3 kilos était une torture. Aujourd’hui, il en « cut » 5 très facilement », affirme Chris Genachte.

« Les progrès de la médecine et les connaissances plus pointues qu’auparavant font que le weight cut est facilité aujourd’hui. Mais il y aura bien sûr toujours une limite physique », conclut le commentateur Eleven DAZN, qui anime également la chaîne YouTube Fight Minds. Bref : le « weight cut » a de beaux jours devant lui, qu’on estime cette pratique normale ou honteuse…