L’affaire Lassana Diarra peut-elle bouleverser le football mondial ?

Comme Jean-Marc Bosman en 1995, l’ancien international français, Lassana Diarra, a attaqué les instances du football mondial en justice afin de favoriser le transfert de joueurs bloqués par leur employeur. La récente décision de la Cour de Justice de l’Union européenne pourrait bouleverser le foot moderne.

A l’instar de Jean-Marc Bosman en 1995, le nom de Lassana Diarra va-t-il passer dans la postérité au niveau du système de transferts ? Va-t-il bouleverser une nouvelle fois et de manière drastique ce marché ô combien particulier ? Le 4 octobre, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt qui risque en tout cas de faire du bruit. Voire un séisme. Dans l’affaire « Lassana Diarra » qui oppose le joueur à la FIFA, cette Cour a déclaré que certaines règles de la FIFA sur les transferts de joueurs enfreignaient le droit de l’Union Européenne.

Diarra bloqué car privé de transfert

A l’origine de ce procès, on retrouve Lassana Diarra. Ancien international français (34 sélections), il a notamment transité par Chelsea, Arsenal, le Real, Marseille et le PSG. Mais aussi par le Lokomotiv Moscou, club qu’il voulait quitter en 2014. A tout prix. Déçu par ses performances, son employeur russe avait décidé de raboter son salaire. Diarra ne l’accepte pas et veut forcer un départ à l’Inter. Le problème, c’est que le Lokomotiv le bloque en vertu du règlement du statut et du transfert des joueurs (RSTJ) édicté par la FIFA. Selon l’instance qui régit le foot mondial, un footballeur n’a pas la possibilité de quitter librement un club pour lequel il s’est engagé jusqu’à la fin de son contrat. Ou alors il est obligé de prendre lui-même en charge l’intégralité de la rémunération prévue jusqu’à l’échéance de son contrat.

 De lourdes sanctions pour les transferts forcés

De même, tout club qui cherche à embaucher un joueur bloqué de la sorte peut être condamné solidairement à payer cette rémunération, ainsi que divers frais annexes. Comme la recherche d’un remplaçant de valeur équivalente, par exemple. Ce faisant, il s’expose également à de lourdes sanctions sportives pouvant aller jusqu’à l’interdiction de recrutement. Ce jeu d’influence est dangereux pour chacune des parties et le joueur est souvent le dindon de la farce. A l’époque, le Lokomotiv Moscou réclame une vingtaine de millions d’euros à Diarra. Le Français sera privé des terrains pendant un an et demi.

L’avocat de l’affaire Bosman, Me Dupont, appelé à la rescousse

En 2015, Charleroi était venu aux nouvelles pour tenter de réaliser un gros coup. Alors qu’ils avaient bien avancé sur ce dossier épineux, ses dirigeants voulaient être certains de ne pas se retrouver débiteurs solidaires de la lourde indemnité exigée. N’ayant pas eu les apaisements nécessaires, ils s’étaient finalement écartés du dossier. Et le joueur ne retrouva finalement de l’embauche que quelques mois plus tard à Marseille, après avoir lui-même payé 10,5 millions d’euros au Lokomotiv. D’où son envie d’aller en justice en s’adjoignant les services de deux avocats – belges – spécialistes de droit international lié au football, Martin Hissel et Jean-Louis Dupont. Le premier avait déjà été à la base de l’arrêt Bosman.

L’égalité des chances bafouée aux yeux de la FIFA

Aujourd’hui, ce système qui bloque les joueurs dans les noyaux B (au mieux), sans possibilité d’exercer leur métier où ils le veulent, est remis en cause par la décision de la Cour de justice européenne. Les enjeux financiers sont énormes pour les clubs, les joueurs mais aussi les agents, qui profitent pleinement d’un système juteux de transferts onéreux. La puissante FIFA, de son côté, a brandi l’argument de « l’égalité des chances », qui serait bafouée au cas où les joueurs reprendraient le pouvoir. Pour elle, la libéralisation totale du marché des transferts favoriserait essentiellement les clubs les plus riches. Ceux-ci pourraient acheter systématiquement les meilleurs joueurs des clubs concurrents. Que ces derniers y consentent ou pas.

Quelles conséquence pour l’avenir ?

La Cour de Justice de l’Union européenne a notamment balayé cet argument. Mais elle affirme cependant que des raisons impérieuses liées à « l’intérêt général » peuvent guider la FIFA à assurer une certaine stabilité dans les effectifs. A voir, donc, comment cette précision importante sera appliquée dans les faits. Dans les prochains mois, les joueurs ne pourront pas forcément partir librement dans les clubs de leur choix. Par contre, il y aura sans doute des aménagements progressifs, que ce soit au niveau d’un raccourcissement de la durée des contrats ou d’une définition plus claire des indemnités de rupture de contrat.

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